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Entretien avec Robert Treviño

Directeur musical du Basque National Orchestra et chef principal invité de l’Orchestre de la RAI, le chef américain développe sa carrière à l’international mais, depuis son premier concert avec l’Orchestre national du Capitole en 2021, il aime revenir à Toulouse. Nous l’attendons le 5 avril pour un somptueux programme.

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans l’Orchestre national du Capitole, avec lequel vous êtes en train de nouer des liens réguliers ?

C’est un orchestre fabuleux, avec une sonorité magnifique. Les musiciens et moi parlons le même langage musical : je les comprends, et ils me comprennent. Nous avions donné un très beau concert Mahler lorsque je les ai dirigés la première fois, et chacun des concerts qui a suivi a lui aussi été un excellent moment. Je pense notamment au Concerto en sol de Ravel et à la Symphonie n° 2 de Schumann de notre concert de février dernier. Quand je ne me trouve pas face à l’Orchestre, j’aime aussi beaucoup déambuler dans cette belle ville qu’est Toulouse !

Voulez-vous nous dire quelques mots du programme que vous allez diriger ?

Les programmes de concert qui ressemblent à des menus bien établis ne me plaisent pas. J’aime associer des œuvres différentes – mais qui marchent ensemble, évidemment. Les pièces de Bartók, Liszt et Beethoven que nous jouerons sont toutes les trois pleines de flamme, un programme taillé pour les musiciens passionnés qui jouent dans l’Orchestre du Capitole ! Nous commencerons avec la Musique pour cordes, percussions et célesta de Bartók, une œuvre complexe, juteuse et virtuose. Un très bon moment pour le public autant qu’un défi pour l’orchestre ! Nous pourrons aussi compter sur le talent du pianiste Benjamin Grosvenor. Nous n’avons travaillé ensemble qu’une fois pour l’instant.

Robert Treviño © Håkan Röjder

Diriger la Cinquième de Beethoven, c’est attaquer le classique des classiques. Quel effet cela vous fait-il ?

Des neuf symphonies, c’est vraiment la cinquième qui nous montre à quel point Beethoven est toujours vivant. Je dois vous raconter une petite histoire. La première fois que je suis monté sur scène pour diriger cette symphonie, et cela est d’ailleurs le cas chaque fois que je la dirige, j’ai vraiment eu l’impression que Beethoven était là, en personne, à m’attraper par le col : « Ne t’avise pas de ralentir une seconde, ne t’avise pas de te relâcher… Vas-y à fond ! » C’est un classique, mais pas de tout repos. Il faut tout donner à son maximum. Et par conséquent, je ne la dirige pas souvent ! Je ne choisis de me lancer dans Beethoven qu’avec des orchestres que je connais bien. Il faut une confiance mutuelle. Pour tout vous dire, c’est en dirigeant Schumann avec l’Orchestre du Capitole l’an dernier que je me suis dit que nous étions prêts pour un Beethoven ensemble.

Le Conservatoire de Toulouse est particulièrement réputé. Avez-vous un message pour ses étudiants ?

La plus grande qualité pour un étudiant, comme pour tout artiste en général, c’est la curiosité. Il faut écouter toute la musique qui se présente, et garder une grande ouverture d’esprit. La question du but, de l’intention profonde, est aussi cruciale. Il faut se la poser clairement, concrètement. Lorsque l’on travaille, il faut toujours se poser trois questions : quoi ? comment ? pourquoi ? Et c’est cette troisième interrogation qui est la plus importante. Pourquoi est-ce que je passe tant d’heures à répéter ? Pourquoi cette œuvre mérite-t-elle d’être défendue ?

Comme vous avez dirigé beaucoup de concerts au pied levé, j’imaginais que vous les encourageriez aussi à se montrer audacieux ?

Ah, oui, il faut du courage, aussi ! Mais accepter de tels concerts en dernière minute est un risque calculé, qui demande en réalité beaucoup de travail en amont. J’ai la chance de pouvoir compter sur une excellente mémoire, et je m’impose aussi une grande discipline. J’étudie en permanence. Malgré cette bonne mémoire, je n’aime pas vraiment diriger sans partition. Je trouve que garder la partition près de soi, c’est aussi avoir le compositeur à ses côtés.

Propos recueillis par Mathilde Serraille


LE CONCERT

Benjamin Grosvenor © Andrej Grilc

Œuvres de Prométhées

Grand concert symphonique

Vendredi 5 avril à 20h

Bartók, Liszt et Beethoven : trois compositeurs particulièrement audacieux sont défendus par deux artistes d’une trempe rare, le chef Robert Treviño et le pianiste Benjamin Grosvenor, grand admirateur de Liszt qu’il a beaucoup enregistré.